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Pourquoi n'y a-t-il jamais de jumeaux
chez les cannibales

La Bambouseraie d’Anduze est en réalité, située sur le territoire de le commune de Générargues. Nous le savons mais nous continuons, avec la complicité de tous les médias, à dire :
La bambouseraie d’Anduze.
Ce que nous savons déjà un peu moins c’est que le bambou, une vulgaire graminée, qui pousse si bien à Prafrance, est la nourriture exclusive des Pandas du zoo de Berlin et d’autres accessoirement.
Quand je découvris cette forêt de bambous elle n’était pas aussi civilisée, bien proprette et bien peignée, tourisme oblige, qu’elle l’est maintenant. C’était, pour moi une vraie jungle, beaucoup plus sombre, beaucoup plus touffue, avec juste d’étroits sentiers parmi lesquels j’avais peur de me perdre. Comme il n’y avait personne ou presque dans cette immensité bruissante, mon imagination la peuplait d’animaux dangereux et de peuplades animées de mauvaises intentions à mon égard. Assurément, des Cannibales, bien dissimulés, m’épiaient et attendaient le moment propice pour s’emparer de moi.
Mon esprit curieux est capable d’aller jusqu’aux limites de l’Univers et même de mettre un pied au-delà de cette limite, c’est vous dire s’il est aventureux mon esprit ! Cependant comme mon naturel est plutôt pleutre et pantouflard, je voyage dans ma chambre.
Xavier de Maistre a écrit : « Lorsque je voyage dans ma chambre je parcours rarement une ligne droite. ». Conforté par l’autorité d’un écrivain reconnu, je prends sans crainte des chemins de traverse, hors des sentiers battus, lesquels, dit Sylvain Tesson, se vengeront un jour d’avoir été battus. Le frisson qui parcourut ma peau, perdu dans l’immense forêt de bambous, me fit rêver d’explorations et de découvertes merveilleuses. Après tout, si j’avais été courageux, j’aurais pu en vivre, pour de vrai ! de fabuleuses histoires…

Des générations d’ethnologues avaient buté sur ce mystère insoluble (Ce qui est un beau pléonasme car le propre d’un mystère est justement de n’avoir pas de solution.) S’il en existe une, c’est un problème. Les problèmes ont toujours une solution. Je me souviens qu’à l’école j’avais parfois des difficultés à trouver la solution mais le Maître la trouvait toujours.
Il y a donc une solution pour chaque problème.
Le gouvernement lui aussi, trouve toujours la solution des problèmes. Il en trouve sans arrêt des solutions. Ce qui est étonnant c’est qu’il subsiste encore des problèmes depuis qu’il trouve des solutions ! Des générations d’ethnologues, dis-je, avaient buté sur ce mystère : Il n’y a jamais de jumeaux chez les Cannibales !
Beaucoup d’entre eux avaient laissé leur vie à vouloir sonder le mystère de la vie. En effet, de nombreux explorateurs aux dents longues, affamés de gloire et rêvant de finir leurs jours en réchauffant leurs vieux os au soleil de la Côte d’Azur après avoir fait leurs choux gras en exploitant la renommée ainsi acquise dans des salles enthousiastes, au moyen de vidéo projections suivies de débats, puis à la télévision et même sur Internet, étaient partis dans le but de percer enfin ce mystère.
Mais hélas, ils avaient fini leurs jours dans des ventres affamés et les os de leurs côtes blanchissaient au soleil (Quand ils n’ornaient pas le nez des vaillants guerriers de la tribu) tandis que leurs dents formaient des colliers qui entouraient curieusement les seins des belles cannibales.
La dent, chez eux, est un étalon de valeur, comme l’or chez nous. Un cannibale sans dents est aussi démuni qu’un capitaliste sans or. Alors les riches cannibales se couvrent de dents comme les riches capitalistes se couvrent d’or : Plus qu’il n’est nécessaire !
Les parties graisseuses de leur personne (S’il peut exister un ethnologue gras !) mijotaient dans la marmite aux choux car, avec le culte de la dent, les Cannibales ont le culte du chou - et ils le cultivent -.
Pour cette culture la ils ont un responsable qui est chargé de faire un inventaire des richesses du pays en choux, des sites à protéger pour la culture du chou et de mettre le chou à la portée de tous. Leur économie repose sur cet adage : « Un chou, c’est un chou. »
C’est un personnage important, une sorte de Ministre de la Culture et de l’Écologie. Il a d’ailleurs un habit vert : il est vêtu de feuilles de chou. Bien qu’il soit une grosse légume, il s’imagine encore plus important qu’il ne l’est et profite de ses pouvoirs pour protéger quelques navets ou raves de ses relations - et de ses opinions - en leur attribuant de bons terrains favorables à la culture du chou, ou bien il maintient en place de vieux plants de choux tout ridés au détriment de jeunes plants plus vigoureux mais qu’il trouve quelque peu indigestes pour son vieil estomac.
Le culte du chou est lié à la forme de la feuille. Chez nous la feuille de chou fait penser, normalement, à un journal mais chez eux, pas du tout. Ils l’assimilent à la forme d’une oreille. Or les Cannibales n’ont pas d’oreille externe !
Cela avait assuré la renommée d’un ethnologue du début du siècle dernier qui avait eu la chance de ramener des documents photographiques exceptionnels sur le sujet. Il avait donné à sa tournée de conférences un sous-titre devenu proverbial : « Six mois chez les Cannibales ou ventre affamé n’a pas d’oreille ! »
Il prouvait que dans des temps lointains, les Cannibales avaient des pavillons d’oreille comme vous et moi mais que dans leur parade amoureuse, à l’heure tendre et de façon très câline, ils avaient la fâcheuse coutume de se mordiller l’oreille laquelle, hélas, s’était révélée beaucoup trop fragile pour des dents de Cannibale. Ainsi mutilé depuis des générations, le pavillon ne repoussait plus et il avait même le plus souvent, complètement disparu. C’est pour cette raison que les cannibales portent un gros os dans le nez. Un os suffisamment volumineux pour qu’il ne puisse entrer dans aucune bouche.

L’heureux savant ethnologue démontrait aussi dans sa fameuse conférence, que le souci social de la sauvegarde de l’espèce - doublé du souci égoïste de préserver son intégrité physique - avait poussé les mâles cannibales à enfermer précautionneusement leur sexe dans une tige de bambou très dur.
Car il fallait paraît-il, dans les moments d’abandon, se méfier des élans de tendresse des femelles cannibales. Ces femelles qui bien avant la découverte de la psychanalyse, avaient tendance à se montrer castratrices, protégeaient à leur tour la fonction d’allaitement qui assurait la survie du nouveau-né. Cela expliquait les étranges colliers de dents qui s’enroulaient autour de leur poitrine.
La société Cannibale était donc bien structurée. Les intérêts de chaque individu étant en parfait accord avec les intérêts de l’ensemble de la population, il n’y avait pas de manifestations de mécontentement, donc pas de C.R.S., donc pas de manifestations de mécontentement contre les C.R.S.! Enfin, un peuple heureux.
Notre civilisation, mondialisation oblige, arrivait peu à peu jusqu’à eux et les Blancs, de plus en plus pollués, devenaient immangeables -
L’Office Mondial de la Santé signala même des cas d’intoxication grave de cannibales ayant consommé des blancs trop pollués ( en particulier ceux qui venaient des grandes villes). Pour éviter une catastrophe humanitaire, la Croix rouge Internationale fit débloquer des fonds destinés à combattre ce nouveau fléau et instruire ces peuplades démunies devant la pollution en leur apprenant à reconnaître un Blanc comestible d’un Blanc avarié. Notre belle civilisation parvenant jusqu’à eux, les Cannibales hésitent à présent à manger n’importe quel blanc ( Un peu comme, au nom du principe de précaution, nous hésitons à manger des champignons inconnus que nous portons chez le pharmacien.) Mais chez eux, mondialisation oblige vous ai-je déjà dit, le gouvernement ayant décidé pour faire des économies de réduire la masse salariale, le pays souffre d’un manque cruel de personnel qualifié ayant une formation médicale du type : Homo alba urbanis, option mégalopolis, pour donner des renseignements fiables. Pour toutes ces raisons précitées on a donc pu établir sans trop de danger une relation avec une famille de Cannibales dont la femme était enceinte.

La mission scientifique réussit à avoir des contacts à peu près suivis avec la jeune femme qui, moyennant quelques colliers de belles dents en plastique, accepta un contrôle suivi tout le long de sa grossesse.
Une chance - Les grandes découvertes sont toujours au départ, marquées par la chance - cette femme-là, d’après les premiers examens attendait des jumeaux.

Allait-on enfin éclaircir ce mystère : Pourquoi n’y a-t-il jamais de jumeaux chez les cannibales ?

L’Unesco et la société : «Les Amis de l’Homme» envoyèrent des fonds et un hôpital de campagne ultra moderne fut sur pied bien avant le terme prévu. Il fallut pour cela surmonter les tracasseries de l’association : « Laissez-les vivre » laquelle on ne sait pourquoi, alors qu’il n’était pas question de supprimer la vie mais au contraire, de favoriser la première naissance de jumeaux, faisait une forte campagne de soutien pour cette peuplade au nom du très chrétien axiome : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même.»

Le paradoxe ne rebutait pas cette association si curieuse, qu’elle en viendrait presque pas à demander le rétablissement de la peine de mort pour défendre mordicus son slogan «  Laissez-les vivre ! ». Elle soutenait que Dieu avait créé l’homme à son image, que tout homme était le fils de Dieu et que Dieu dans son immense bonté, ayant donné le corps de son fils à manger à l’humanité toute entière, s’il était admis et de bon ton, dans certaines religions, de manger Dieu le Fils, il ne pouvait être considéré comme un péché de manger, de temps en temps, le fils de Dieu.
Aucun texte, même dans Saint Thomas, aucun concile ne portent contradiction à ce sujet.

Le monde entier médiatique attendait.

L’angoisse grandissait chaque jour dans la même proportion que le tirage des journaux à sensation, l’écoute des radios et des télévisions, habiles à maintenir la pression pour gonfler l’audimat. Les mages les plus célèbres, les plus grands spécialistes de l’horoscope avaient dressé le bilan astral de ces fameux jumeaux. Des maisons spécialisées dans le : «Tout pour l’enfant et la jeune maman» se livraient une rude bataille commerciale afin d’obtenir en exclusivité la fourniture des vêtements et de la nourriture en songeant aux bénéfices assurés par la publicité qui envahirait les écrans et les murs de slogans, forcément porteurs et percutants, du genre : « La nourriture préférée des cannibales !»
Les reporters des journaux et des télévisions bouclaient leurs valises, bien décidés à tout faire afin d’obtenir le scoop de leur vie.

Un beau jour alors que le terme prévu était encore loin, la jeune femme fut prise de fortes douleurs abdominales. L’équipe médicale en place se mit immédiatement sur pied de guerre. Les premières observations et analyses ne donnèrent aucune indication alarmante et pourtant les douleurs persistaient, devenant parfois intolérables. À l’auscultation des bruits bizarres étaient perçus. Les praticiens présents ne purent faire un diagnostic. Jamais de pareils symptômes n’avaient été signalés depuis que l’on s’intéressait aux femmes enceintes. Intrigué au plus haut point et très inquiet pour sa patiente, l’ethnologue Médecin Chef la fit amener en urgence à l’hôpital construit à cet effet et la soumit immédiatement à une série d’examens en utilisant tous les moyens à sa disposition. Il parvint rapidement à obtenir une image nette de l’intérieur de l’abdomen de la pauvre mère qui souffrait de plus en plus

Il observa, effaré, que l’un des enfants était en train de manger l’autre !