Carnage. La guerre
Les soldats ne savent-ils pas
Quand ils vont, chantant, sur la route,
Qu'ils trouveront, dans quelques pas,
La peur hideuse, la déroute,
Peut-être même le trépas ?
Pourtant l'éclat d'une trompette
Et le premier "ra" des tambours
Redressent bravement leur tête.
Ils marchent, traversant les bourgs,
Et vont affronter la tempête.
Dans tous les livres que j'ai lus
Ils sont partis comme, en Quatorze,
S'en allèrent les fiers poilus
Qui tombèrent au coupe-gorge
Forts d'être au nombre des élus.
Hachés menus par la mitraille,
Soldats vainqueurs, soldats vaincus,
Héros morts du champ de bataille,
Vous troquâtes, pauvres cocus,
La vie au prix d'une médaille.
Suprême honneur…Destin joli...
Jeune mort pleine de panache...
Chevrota le discours poli
D'une redondante ganache
Qui mourra, vieille, dans son lit.
La bonne conscience plaide
Que le soldat fait son devoir;
J'appelle d'autres mots à l'aide :
Les morts ne sont pas beaux à voir;
La guerre est une chose laide.
Ils parlent comme du bon temps
Les survivants, de leur blessure,
De leur médaille. Ils sont contents.
Insolente, une voix susurre :
Cons battus ou bien combattants ?
Les hommes sont sur une sphère
Qu'ils détruiront un de ces jours
S'ils ne parviennent pas à faire
Bouter hors la loi pour toujours,
L'immonde fureur mortifère.
Des esprits forts et torturés,
Ne prêtez plus l'oreille au prêche
Futurs martyrs prématurés
D'une guerre joyeuse et fraîche.
La mort vient, soyez assurés.
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