La pierre et le vent
Nous sommes la pierre et le vent.
Toi, tu demeures, moi, je passe.
Tu m'entendras hurler souvent
Ton nom sonore dans l'espace;
Plus rien ne sera comme avant.
Nous avons partagé, naguère,
Quelque instant privilégié
Mais, vaincu de la tendre guerre,
Je cours, humble réfugié,
Vers toi qui ne m'écoutes guère.
Et tu rejettes tout d'un bloc,
Imaginant que je m'amuse,
Mon amour et mes vers en toc.
Tandis que, vainement, je m'use,
Tu reste dure comme un roc.
La rime la plus alléchante
Éclot, secrète, en mon jardin
Et, sous mes doigts, docile, chante.
Pourquoi n'as-tu que du dédain
Pour ma romance trébuchante ?
Moi, piètre chevalier errant,
Je me voulais un Alexandre !
Mon pauvre amour itinérant,
En enfer, me fera descendre.
Mon chant se voulait conquérant !
C'est une chanson méprisable,
Romance d'un mal désiré,
Une complainte misérable
Qui lance un cri : " Miserere !"
Vers toi qui m'es tant désirable.
Si notre amour est un fiasco,
Tu l'as tué; C'est là ton crime.
Si je trouvais le moindre écho,
Si tu souriais à ma rime,
Je lancerais : "Cocorico !"
D'un fin roseau, la tendre tige
Qui module un son délicieux,
À mon coeur donne le vertige.
Comme un souffle venu des cieux,
Mon désir, vers ton corps, voltige.
Quand tu me donnes ta chanson,
Ma chair, d'une fibre attentive,
Capte, tendre et touchant, le son
De ta musiquette plaintive;
Mon amour joue à l'unisson.
Moi qui vibre comme une lyre,
Les arpèges de mes accords
Sont un trésor que mon délire
Thésaurise au creux de ton corps
Comme dans une tirelire.
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